Genève, New York, la quête du père

Source: Domaine Public, Pierre Jeanneret - 3 juin 2021

Courir dans les vagues, dernier roman de Harry Koumrouyan, un texte qui a du souffle et joue de rebondissements.

Photo: © C.Mosiniak Paillier

Photo: © C.Mosiniak Paillier

Dans la production littéraire romande de cette première partie de l’année 2021, un livre nous semble sortir du lot. Sans doute ne doit-il pas sa principale qualité à son inventivité stylistique. La langue de Harry Koumrouyan reste très classique, et on a parfois l’impression de lire une œuvre de Gide ou de Mauriac, à l’exception des dialogues, qui sont davantage de notre temps. Mais Courir dans les vagues a du souffle ! L’auteur maîtrise parfaitement l’écriture d’un roman ample, aux multiples rebondissements – tous parfaitement crédibles – et mettant en scène de nombreux personnages.

Résumons brièvement l’argument de cet opus, sans en dévoiler bien sûr les péripéties, qui lui confèrent un rythme et par moments un véritable suspense. Simon Gautier, dix-sept ans, est un adolescent de Genève, fréquentant le «lycée», en fait le collège. Il n’a jamais connu son père. Celui-ci, Matt Eastland fut le compagnon de sa mère Pauline, avant de la quitter. Alors enceinte, elle a décidé d’élever son enfant seule, d’une manière assez possessive. 

Simon va partir à la recherche de ce père fantôme, dont il ne possède qu’une photo en noir/blanc. Ce qui constitue le thème principal du roman. Il va mener une véritable enquête, qui le conduira jusqu’aux États-Unis. Il s’approchera toujours davantage du but de sa recherche, notamment grâce à l’aide d’une série de témoins, qui ont connu Matt, lorsqu’il travaillait pour l’ONU à Genève ou pour la CIA en Amérique.

Le roman progresse aussi grâce à une série de flash-back, qui nous font connaître le passé des différents personnages. À ce propos, il faut relever l’empathie qui lie l’auteur à ceux-ci.

Une autre qualité de ce roman est de décrire avec beaucoup de justesse les différents milieux où évoluent ces personnages. Qu’il s’agisse de l’atmosphère scolaire du collège – probablement le collège Calvin vu sa situation géographique; du milieu assez fermé des instances onusiennes, comme Albert Cohen l’avait si bien fait pour la SDN; de la bourgeoisie protestante habitant les villas du quartier chic de Vandœuvres, avec ses rituels figés et un peu désuets; des diverses facettes de New York que l’auteur semble bien connaître. 

C’est dit avec un mélange de tendresse et d’humour, voire d’ironie, même si certains passages du livre se révèlent être assez pathétiques. Et tout cela sonne juste, ce n’est pas de la «littérature» au mauvais sens du terme, le lecteur y croit.

Sans pourtant jamais s’égarer dans des digressions qui nous feraient perdre le fil de l’action principale, Harry Koumrouyanen vient à développer des thèmes collatéraux, donnant même un moment à son livre le caractère d’un roman d’espionnage. Mais nous n’en dirons pas plus… Quant à la rencontre de Simon et de son père, elle finira bien par avoir lieu, mais là aussi nous laissons au lecteur le plaisir de découvrir une fin inattendue. 

L’auteur, Harry Koumrouyan, a été enseignant à Genève, directeur de collège, puis collaborateur d’un conseiller d’État. Il se consacre maintenant à l’écriture. Courir dans les vagues est son troisième roman. Une œuvre à suivre !

Harry Koumrouyan, Courir dans les vagues, Vevey, Éditions de L’Aire, 2021, 315 p